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Paternage
11 avril 2012

La naissance de Lilwen à la maison

En cherchant des idées pour une BD sur la naissance de Lilwen à la maison, je suis retombé sur le récit que j'en avais fait à chaud quelques jours seulement après cette aventure qui restera l'un des moments les plus marquants de ma vie!

En le relisant, j'ai bien noté les maladresses de style, mais l'intérêt d'un tel texte n'est pas là, et j'ai senti des larmes me monter aux yeux... Je me suis dit que ça pouvait être une bonne idée de le proposer ici, pour tous ceux qui ont vécu une nuit (ou un jour) similaire, pour tous ceux qui vont le faire et qui se posent des questions, et pour tous ceux qui s'intéressent un tant soit peu au sujet...

récit lilwen

On est samedi soir. 6 mars 2004. Gaëlle doit accoucher de Lilwen dans dix jours selon la date “officielle”...

Ca fait une semaine qu’elle a des contractions tous les soirs, mais jusqu’à présent c’est plutôt pour rire.

Ce soir, je suis sur internet, je télécharge le dernier concert de Brian Wilson, je ne suis pas vraiment dans la même pièce que Gaëlle. Elle, elle regarde une émission idiote à la télé, elle rigole, c’est bien. Quand, à 22h46, elle me demande de noter l’heure, je me dis que oui, bon... Elle insiste. Je note.
Je note ainsi l’heure de plusieurs contractions, le nez sur mon écran d’ordinateur, avant de tourner la tête vers elle. Ce n’est pas comme d’habitude. D’habitude elle ne me demande pas de noter l’heure en fait, et les contractions ne durent pas aussi longtemps.

Je note encore. Je lui dis de prendre un bain, c’est très bon, ça, pour arrêter les contractions-pour-rire. Elle me dit qu’elle en a déjà pris un. Ah, c’est vrai, juste avant qu’elle commence à me demander de noter l’heure.

Je suis contrarié, je n’avais pas prévu un accouchement pour ce soir. D’autres projets. On ne peut pas remettre ça à demain? Non? Non...
Je crois que je vais aller me coucher. Avant je note encore l’heure.

Les contractions ne sont quand même pas très régulières. Ce n’est pas sérieux, tout ça! Et celle-là, elle compte? Oui? Non? Ah non, c’est celle-là plutôt! Ah oui, oui, on sent bien la différence. Ouch, oui, ça a l’air de faire mal. Et un petit bain, je demande? Bon, en tout cas, moi, je vais me coucher.

C’est vraiment bizarre, je sens que c’est pour ce soir, mais je ne veux pas y croire. Et puis je n’ai pas encore fait le CD pour l’accouchement. C'est important, ça, c'est ce que j'ai fait de mieux pour la naissance d'Arthur! Je ne sais toujours pas si je dois mettre Simon and Garfunkel avant ou après Nick Drake. Petit moment de flottement. Est-ce que j’ai le temps de le faire, ce CD? Pour Arthur, l’accouchement avait duré longtemps, ça devrait me laisser le temps. Mais bon, avant ou après Nick Drake?
Et puis si j'allais me coucher finalement?...

Gaëlle me demande si on doit appeler Isabelle, la sage femme qui nous accompagne dans toute cette aventure. Je ne sais pas, j’étais en train de me demander si un CD c’était vraiment nécessaire... Et puis, on n’est pas très sûr, finalement, que ce soit bien ça. Il est presque minuit, on aurait l’air malin, de faire venir Isabelle pour lui dire que ben en fait, non, c'es pas ça, mais c’est gentil quand même d’être passé!
Isabelle nous a bien dit que même si on n’était pas sûr, il ne fallait pas hésiter.
On hésite.
Et pourtant, c’est ça, j’en suis sûr maintenant. Alors on appelle Isabelle? Euh, on attend encore un peu...

A 1 heure, on fait le bilan des dernières contractions. Bon, celle-là on se demande bien ce qu’elle fait là, mais les autres sont plutôt régulières. Et puis elles commencent à faire un peu mal, non? Euh, oui, elles font même bien mal, là!

1h30. Je crois que je ne vais pas aller me coucher. J’appelle Isabelle. Je ne lui fais pas vraiment la conversation, c’est quand même un peu gênant de lui téléphoner si tard. Elle a encore du sommeil dans la voix. Elle me demande si Gaëlle a pris un bain, je lui dis oui, elle arrive.

Arthur ne se réveille presque pas quand je l’emmène chez Sarah et Ronan, des amis qui habitent à l’autre bout de notre couloir. Je lui dis que la petite soeur arrive, elle a fait toc toc, ça y est, il me dit “g’accord”. Il se rendort. Je me dis que tout ira bien pour lui et je retourne auprès de ma femme.

J’espère qu’Isabelle va venir vite. Gaëlle s’appuie contre une poutre pendant les contractions. D’après ce que je vois, ces contractions-là ne sont pas très rigolotes.  Je n’ose pas trop parler à Gaëlle, des extraits de films imbéciles où des femmes engueulent leur mari pendant l’accouchement me reviennent en mémoire. Ca m’aide beaucoup.

Ce qui est dur quand on voit sa femme accoucher, c’est qu’on ne sait pas jusqu’à quel point la douleur est forte, et si elle est facile à gérer ou non. Je me dis que là, quand même, ça a l’air de faire bien mal, et que ça a l‘air dur à supporter déjà.
Je n’ai pas encore vu la suite!
Jusqu’à ce qu’Isabelle arrive, je crois que nous nous sommes très peu parlé, Gaëlle et moi. Je ne savais pas quoi faire, s’il valait mieux parler ou se taire. Je crois que j’ai bien fait de ne rien dire, car la seule chose qui me venait c’était “Ca fait mal?”...

Enfin, Isabelle est là. C’est bizarre, dans mon esprit, et même si je sais que ce n’est pas vrai, l’accouchement a réellement débuté là. Avant, tout se mettait en place. Les contractions sont pourtant déjà bien douloureuses. Isabelle amène tout son matériel, se change. Je vais dans la salle de bain pour faire couler l‘eau. J’y reste pendant que la baignoire se remplit. Ca me fait du bien d’être un peu isolé, ça devenait dur de voir Gaëlle avoir mal. Comment vais-je faire pour la suite?

Quand je reviens dans le salon, Isabelle a examiné Gaëlle à sa demande. Elle a besoin d’être rassurée, savoir si le travail a bien démarré, et où il en est. Elle se jette dans mes bras avec un sourire, elle en est à 6-7 cm de dilatation. Ca me surprend, c’est beaucoup plus rapide que pour Arthur. C’est bien, je me dis que c’est bientôt fini. Une contraction cloue Gaëlle sur place. Il faut que je dise quelque chose. “Ca va, ça va.”...  C’est nul.

Gaëlle profite d’une accalmie pour rentrer dans le bain. A partir de là, je n’ai plus aucune notion du temps. Gaëlle trouve que l’eau chaude l’aide à se détendre entre les contractions. Par contre, elle a peur de ne pas pouvoir trouver de position adéquate pour affronter les contractions elles-même. Je ne sais pas pourquoi, je lui masse le dos dés la première qui arrive, en me disant que ça la soulagera peut-être. Elle me dit que c’est génial. Yes!!

Du coup, et jusqu’à la fin, je lui masse le dos pendant les contractions. Plus ça va, plus elles ont l’air douloureuses. On dirait que Gaëlle a de plus en plus de mal à les accepter. Isabelle souffle pour guider la respiration de Gaëlle. Moi, je me rends compte que j’arrète presque de respirer. Mais je continue de masser.

Isabelle propose à Gaëlle de sortir du bain. L’eau devient froide, et ça lui ferait du bien de marcher. Gaëlle ne veut pas. Elle pleure, gémit, souffre. Je l’encourage comme je peux, avec mes yeux surtout, c’est un peu dérisoire je trouve, j’essaie de faire passer mon énergie dans mes mains. Après coup, Gaëlle me dira à quel point ça l'a aidée...

Gaëlle sort du bain. Elle s’assoie dans son fauteuil Ikea dont elle est très contente habituellement. J’espère que c’est bientôt fini. Je ne voyais pas ça comme ça. Mais je sais que si nous y arrivons, nous pourrons être fiers de nous. Je le dis à Gaëlle. Elle se trouve nulle. Je lui assure que non. J’essaie de ne pas lui montrer que je doute. Elle cherche mon regard, celui d’Isabelle. Isabelle regarde souvent ailleurs, je pense qu'elle veut me laisser ce rôle-là. Elle dit à Gaëlle que tout va bien, tout est normal. C'est son rôle à elle, ça, et je ne sais pas si ça rassure Gaëlle de l'entendre, mais moi j'ai l'impression que c'est ce qui me fait tenir.

Gaëlle veut arrêter. Je sais bien que ce n’est pas possible. J’ai envie de lui dire qu’il faut aller jusqu’au bout maintenant. Je n’en ai pas le courage. Isabelle le fait. Je ne sens pas Gaëlle super convaincue.

Je continue à masser, j’ai des crampes dans la main. Je fais mine de la retirer. Je n’aurais pas dû, je me fais engueuler... Je repense à tous ces films...

Pauvre Gaëlle! Elle ne gère plus rien. Je me sens un peu responsable de tout ça, un peu égoïste aussi de penser qu’on fait ce qu’il y a de mieux pour Lilwen. C’est facile à dire pour moi.

Je regarde Isabelle. Elle reste calme. Je lui fais entièrement confiance. Je sais en la voyant que l’accouchement se passe bien. D'un seul coup, je deviens plus serein...

Je sais également que la plupart des femmes passent par ce que vit Gaëlle. Je trouve ça impressionnant, sans doute le trouverais-je même insupportable à regarder en d’autres circonstances, mais je sais que tout reste normal, finalement... et qu’à la fin, nos bras seront là pour accueillir notre petite fille.

As-tu oublié tout ceci, Gaëlle? C’est toi qui m’a dit tout ça. Et je te vois souffrir, et je ne peux que te donner la main et te porter du regard. Je le fais. Et puis c’est bientôt fini maintenant.

Gaëlle passe sur le canapé. Ca n’a pas été facile, elle ne voulait pas bouger, elle ne s’en croyait pas capable. Je sais qu’elle ne se croit plus capable de rien. Je sais qu’elle capable de tout encore. J’espère. Non, je le sais!

Isabelle lui fait des massages. L’odeur de l’huile est forte. Je me dis que tiens, la poche des eaux n’a pas encore cédé. Gaëlle crie moins. elle respire mieux. Curieusement, je ne m’en aperçois pas tout de suite.

Pendant tout le travail, les CD se sont succédés sur la chaîne. Simon and Garfunkel ont précédé Nick Drake d'eux-même finalement. C’est au tour de Tim Hardin. C’est sur cette musique qu’arrivera Lilwen. Et tout d’abord sur un cri, presque paniqué, de Gaëlle, qui sent que quelque chose se passe. Isabelle nous dit que c’est Lilwen qui arrive. Je ne m’y attendais tellement plus que je suis presque surpris.

Je m’installe sur le siège amené par Isabelle, un tabouret d’accouchement. Gaëlle, difficilement, se place devant moi et je lui sers de dossier. Je la soutiens, nous ne faisons plus qu’un. La tête de Lilwen sors petit à petit, Gaëlle crie, ça la brûle, on dirait  qu’elle ne comprend pas ce qui lui arrive. J’ai l’impression de pousser en même temps qu’elle, nos mains s’entrecroisent, nous accouchons de Lilwen, et je me remets à respirer. Je me rends compte à quel point j’étais crispé et tendu.

Isabelle pose Lilwen sur Gaëlle, je pose mes mains sur Lilwen. Je ne saurais dire comment, mais je me rends compte q’Isabelle nous laisse vivre pleinement ce moment, comme si elle “effaçait” sa présence.

Et en effet, nous nous retrouvons tous les trois, Lilwen, Gaëlle et moi, seuls au monde. Je pleure. Je tremble. Je suis heureux. Je dis à Gaëlle que Lilwen est là, qu’elle a réussi, comme si j’avais peur qu’elle en doute encore...

 naissance lilwen002b

Lilwen est née ainsi, à 5h20, le dimanche 7 mars 2004. La poche des eaux l’a protégée jusqu’au bout.

Il s’est passé quatre heures seulement depuis l’arrivée d’Isabelle. Quatre heure où j’ai pu me rendre compte à quel point la palette des sentiments humains est vaste! Quatre heures qui furent parmi les plus longues de ma vie. Parmi les plus courtes aussi.
Je suis un peu triste en repensant à quel point je n'ai pas vécu l'accouchement d'Arthur à l'hôpital, où j'étais pourtant présent...

bienvenue Lilwen2

 

On a mangé des gâteaux, bu une tisane, puis Isabelle est partie deux heures plus tard.

Je suis allé chercher Arthur à 8h. Il prenait tranquillement son petit-déjeuner. Je lui ai demandés’il voulait voir sa petite soeur. Il a dit oui, nous avons rejoint Gaëlle. Elle avait les traits tirés, mais elle était radieuse. Lilwen dormait.

coucou lilwen2

Arthur a dit “Bonjour petite soeur”. Il a fait un câlin à sa maman.
Puis il est parti jouer...

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Commentaires
F
Merci pour ce magnifique récit. Qu'est-ce que j'aimerais pouvoir rentrer dans la tête de mon homme comme ça et savoir ce qu'il a ressenti pendant nos accouchcments!
P
C'est tellement émouvant...<br /> <br /> <br /> <br /> Merci pour ce témoignage...
L
de rien, mais je ne sais pas si je suis représentatif!<br /> <br /> <br /> <br /> c'est comme pour l'interview de PureFamille (je ne me fais toujours pas au nom de ce site!), je suis un peu gêné par ce côté "papa modèle" qui en ressort...
T
Je disais en gros, que c'était super d'avoir le récit d'un papa.<br /> <br /> Que la lecture de ce récit m'a replongé dans mon dernier accouchement.<br /> <br /> Ayant un homme attentif, mais qui n'exprime que très peu ses émotions, je me demandais ce que pouvait ressentir un homme dans ces moments-là :)<br /> <br /> <br /> <br /> Merci pour le partage.
L
oh, je suis désolé de ne pas avoir pu le lire!!
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